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Pourquoi le football nous met-il dans tous nos états?

Le psychologue clinicien Robert Zuili décrypte nos émotions pour nous aider à mieux les gérer.

Il y a dans le sport une magie apte à produire une véritable exaltation émotionnelle, typiquement prompte à faire de certains sports de magnifiques spectacles, addictifs pour leurs fans! Avant de grands rendez-vous sportifs, la mobilisation médiatique contribue déjà à faire monter la pression. Qui va gagner? Qui va perdre?

Le stress témoigne alors d'une tension certaine: peur pour l'aficionado que son équipe favorite perde la 1ère place au classement, appréhension chez le joueur de ne pas être à la hauteur de l'événement. Cette synchronicité émotionnelle entre supporters eux-mêmes, entre joueurs eux-mêmes puis entre joueurs et supporters est le ciment de liens réels ou imaginaires.

Le supporter se sent proche de ses joueurs, tellement proche, qu'il les aime et en défend les intérêts comme si c'étaient les siens propres! Il hurle dans les tribunes à la moindre sanction jugée arbitraire sifflée par l'homme en noir. Ce dernier se voit alors maltraité et de jolis petits noms d'oiseaux se font l'écho les uns aux autres, aux quatre coins des tribunes. Le supporter va jeter depuis sa place les objets à sa disposition pour atteindre le joueur adverse qui s'approche dangereusement au bord du terrain, il va se battre dans la rue contre les supporters de l'équipe rivale et il va même tirer des coups de feu sur le bus de l'équipe adverse.

L'exemple du football, sport populaire par excellence, est particulièrement caractéristique voire caricatural de ces phénomènes passionnels. La raison condamne de tels excès lorsqu'ils existent. Ils paraissent souvent pathétiques aux yeux du tout-venant qui comprend mal comment il est possible d'en arriver-là...

Ce sport comme nombre d'autres sports tient son succès de phénomènes appelés "les ascenseurs émotionnels". Dans le football, les étages sont nombreux et les mouvements de répits et de tensions, de hauts et bas peuvent se succéder parfois avec frénésie.

Dès que le match, pardon, le spectacle commence, la tension s'installe et nombreuses sont les occasions d'être frappé par la colère dans un camp et la peur dans l'autre! Le but injustement ou lucidement refusé, l'exclusion d'un arrière confirmée ou évitée lors de la blessure d'un joueur attaquant vedette, le hors-jeu sifflé par erreur ou justement sanctionné annulant le but marqué, etc. Chaque camp de supporters et chaque équipe est donc en permanence le siège d'émotions contrastées, parfois opposées d'un instant à l'autre et de plus en plus intenses quand le suspens s'installe et atteint son paroxysme à l'approche de la fin de match! Tout est émotion, agitation, frénésie et passion!

Une équipe marque: un camp jubile, l'autre est effondré. Il y a égalisation: un camp a désormais peur de perdre et puisque la situation peut se retourner à tout instant, l'espoir renaît dans l'autre camp. Il y a penalty? Les 2 camps ont peur: l'un que l'adversaire concrétise l'occasion et marque, l'autre que son joueur la loupe. Et que dire du final, lorsque le temps additionnel voit une équipe l'emporter grâce au but tout autant rageur que salvateur inscrit à la dernière seconde!

Les uns pleurent sur le terrain comme en tribune, les autres exultent et se sentent envahis d'une force incroyable effaçant magiquement une heure et demie d'efforts physiques intenses sur la pelouse ou de tensions parfois insupportables ressenties derrière son écran de télévision. Le joueur même éreinté se sent capable de traverser le terrain à toute allure pour aller honorer ses supporters.

Si la machine à mesurer l'intensité émotionnelle existait, un grand match répondrait à cette définition: "lorsque l'exposition aux charges émotionnelles positives et négatives subies sont les plus intenses, les plus contrastées et les plus nombreuses...".

L'émotion envahit le terrain dès le début du match et perdure même après le coup de sifflet final. Dans l'enceinte du stade, ces gladiateurs des temps modernes se laissent parfois envahir par leurs propres émotions et ressentiments. Ils perdent leur calme sur la pelouse, même lorsque la fin du match est prononcée. Ils invectivent l'arbitre et prennent un carton rouge quelques secondes après que le match soit terminé, ils agressent verbalement le joueur adverse, se bagarrent dans les travées menant aux vestiaires, sont parfois sanctionnés dans l'après-coup de plusieurs matchs de suspension pour propos grossiers et injurieux tenus envers le corps arbitral.

Les présidents de club s'invectivent ensuite par réseaux sociaux interposés et entretiennent les tensions jusqu'au prochain événement! La presse et la TV s'emparent de ces altercations et polémiques, et nourrissent ainsi les débats sur les blogs ou les médias Internet.

Certains de nos footballeurs ne savent pas manier leurs émotions et s'en servent comme des armes nuisibles à la bonne tenue des spectacles! Ils sont comme des artistes déchus qui perdent de vue leur devoir d'exemplarité et envahis de sensations douloureuses se laissent emporter devant un public friand de ces dérapages aussi affligeants qu'inutiles.

Mais il ne faut pas se leurrer, ces écarts de conduite ne font pas partie du spectacle. D'une certaine manière ils salissent l'image du footballeur et du sport en général. Tous ces professionnels de haut niveau sont passés par des écoles de foot et des systèmes de sélection pointus. Mais comment se fait-il que ces modèles de fabrication de sportifs de haut niveau n'intègrent pas de solutions pédagogiques aptes à développer leur intelligence émotionnelle? Comment accepter que ces émois et débordements troublent l'image du sportif et de son sport?... et si c'étaient nos émotions!

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